Serguei Hurlev était un bon ami de Benjamin Mulciber. Tout du moins il se voyait comme ça. Il voyait aussi que Ben était plus ou moins inconscient et que lui aussi devait l'être, ce qui prouvait que l'anglais l'influençait salement. Il n'était pas aussi inconscient lorsqu'il était jeune. Ou alors je buvais moins. Le vieux général tournait à la vodka et aux chansons russes, ce qui ne l'empêchait pas d'être un bon sorcier et un bon militaire. Il avait réussi à mener à bien la prise de Moscou en nette inferiorité numérique. Il aurait pu être à la retraite depuis longtemps. Oui, à retraite dans une jolie ferme au soleil, pénard, sans rien demander à personne et sans emmerder le monde. Au lieu de quoi il avait fallu qu'il traine sa vieille carcasse jusque dans ce pays de merde où rien ne ressemblait de près ou de loin à de la vodka. Serguei détestait viscéralement l'Angleterre. C'était plein de puristes et personne ne savait s'amuser. Ah, pour mourir, la résistance est doué, pour vivre, c'est autre chose...Il s'en remettait en buvant son propre alcool.

Aujourd'hui était un jour plus suicidaire qu'un autre puisqu'il avait accepté de venir à l'assaut d'Azkaban. En arrivant il avait songé que c'était du grand n'importe quoi et qu'ils n'arriveraient à rien, mais il ne pouvait pas faire autrement. Il avait suivi pendant l'enfer, il avait bien rempli son rôle de porteur de patronus. Maintenant, voilà qu'ils s'alliaient avec des loups-garous contre les mangemorts, bon. Cela devenait délirant, mais qu'importait, Hurlev n'était plus à ça prêt. Et le vieux russe était toujours prêt à vendre chérement sa peau, pour que les autres s'en sortent.

Pour le moment de toute façon, personne ne s'en sortait. Il y avait pas mal de personnes à terres. Pragmatique, Hurlev évaluait déjà qu'ils allaient perdre : la lutte n'était plus pour gagner mais pour partir vivant. Pas de morts, pour l'instant, mais cela pourrait venir s'ils restaient là trop longtemps.Et croyez moi, personne n'en a envie. Lui voulait se tirer et fêter son succès avec de la vodka. Il n'était pas dingue comme Ben. C'était un fataliste et un idéaliste qui voulait buter du tovaritch puriste, mais certainement pas crever.

Il balança un stupefix, à son tour, qui se noya dans la masse. Il fallait pourtant battre en retraite, et Hurlev comptait bien sortir d'ici vivant, à la fin. Il n'allait pas perdre face à de stupides anglais, bordel ! Il lança :

"Immobilisez les le plus possible, et que ceux qui peuvent se tirent, bon sang ! On n'a plus le temps pour jouer les héros !"

Spoiler:

Se faire stupefixer, ça donnait un sérieux coup dans la fierté, il fallait bien le reconnaître, et même Ben n'appréciait pas trop que ça arrive. En plus, cela les retardait. Aussi dès qu'il le put, il se releva, pour réattaquer. Mais la situation avait pas mal évoluée depuis le début...ou tout du moins la dernière fois qu'il avait eu conscience de quelque chose. Il ne restait plus qu'un mec debout, qui paraissait avoir autant envie de se barrer qu'eux, ce qui n'était pas peu dire. Benjamin le regarda sans le voir, il ne l'intéressait pas trop en fait. Il observa autour de lui avec inquiètude. Deux types les avaient rejoint, mais Leonheart et Adam restaient stupéfixés. Ils n'avaient plus beaucoup de temps, il fallait qu'ils se tirent. Les renforts étaient là : fin de partie. Car s'ils les avaient atteints eux, cela voulait dire qu'en bas, c'était aussi le cas. Rentrer avait été un problème. Sortir le serait aussi. Ben le savait et ça le foutait en colère, mais il n'était pas prêt à renoncer, ni encore moins à ne pas se battre. Mais cela n'allait pas forcément se passer comme ça.

Mulciber était un idéaliste, un foutu idéaliste, Serguei Hurlev le voyait dans son regard. A peine revenu de son inconscience il voulait attaquer de nouveau. La victoire demande des sacrifices. Et le vieux général russe, bien plus lucide que son compère le comprenait parfaitement. On s'en sortira pas tous vivants. Il faut bien qu'on avance pourtant...Il ne voulait pas mourir ici, il n'en avait aucune envie, pourtant il allait le faire. Il était vieux et avait vécu pleinement sa vie. Cet endroit, plein de détraqueurs, le terrifiait tout de même, et il aurait donné cher pour pouvoir voir le soleil une dernière fois. Mais le soleil était le grand absent de la prison. Non, tu vas finir ici. Tu vas te battre. Il s'était toujours battu, quand il pensait. Il pouvait dire adieu à sa petite maison pour ses vieux jours, il ne fallait plus y penser. Il fallait aller vite. Les jeunes fuiraient. Ils vivraient. Limonkov était un idéaliste, mais c'était un type bien. Il stupefixa le dernier guerrier.

Pas trop loin, un autre prisonnier libéra Leonheart, le dernier tenta de libérer Adam, sans succès. Mulciber regarda Hurlev. La moustache de morse du russe tremblotait et il aurait presque pu voir les larmes couler le long de son visage. Il comprit. Et il refusa. Il n'avait jamais abandonné personne, pas comme ça en tout cas.

« Serguei, non ! »

L'autre secoua la tête. Il le fallait. Il sourit et fit face :

« Tous ceux qui peuvent partir, fuyez ! Les autres, avec moi, on va les retenir. Qu'ils y viennent. Les tovaritch puristes vont apprendre qui est le Général Serguei Ivanovitch Hurlev ! »

Quelqu'un entraina Ben dans son sillage. Il ne voulait pas, pourtant, fuir. Et rester en vie après ça ne valait le coup que s'il en restait encore à assassiner.

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