Il savait ce qu'était la douleur, il savait qu'il y avait des gens qui allaient mourir. Peut-être que lui mourrait, et qu'il aurait mal. Mike était jeune  quand il avait compris que la souffrance n'était pas un moyen d'échapper à la platitude, d'accéder au sublime.  Pourtant, ce n'était pas cette épreuve et la douleur qu'elle lui causa et lui causait encore qui avait fait de lui ce qu'il était. Il ignorait tout de ce désespoir hurlant contre lequel il ne pouvait rien. Ne le comprenait pas et ne le comprendrait jamais. Il le connaissait parce qu'il le vivait, mais Witcher était au-delà, bien au-delà. Il ne savait que reproduire le désespoir, minutieusement et tranquillement, presque avec platitude. Cela se nommait la guerre. Et cela était sa raison de vivre – ou plutot d'exister. Il écoutait à présent les soldats. Ils faisaient un bruit peu harmonieux dans cette aube de Glasgow. Ces notes lancinantes qui troublaient l'aube et le silence, c'était bien son histoire avortée, de rires oubliés, de sentiments non dits, le regret de sentir que tout était fini, et qu'on n'y pouvait plus rien. C'était minable, c'était magnifique, c'était la seule chose qui lui restait. Tant bien que mal, avant Mike aimait la vie, parce qu’on l’avait en commun. Avant, il aimait la vie, même sachant tout ce qu'il savait, avec la sureté et l'immensité de l'arrogance d'un gamin, car dans l’immensité du vide il était là qui souriait. Aujourd’hui, restait un fantôme, un souvenir…Absurde constance.

Restait peu de choses aujourd'hui sinon le sang. De la vie Mike ne savait plus rien, mais de la mort il comprenait beaucoup de choses et il savait la donner. Voilà pourquoi il était à Glasgow. Parce qu'il connaissait la mort. Et qu'il la donnerait. Il était en guerre perpétuellement, en guerre parce que chaque bourbiste créait la guerre, que chaque bourbiste devait être anéanti, sans quoi ils anéantiraient le monde. On ne pouvait pas arrêter Mike sur ce point là. Même à moitié mort, il était comme un chien ayant la rage et il mordrait encore, parce que ça faisait partie de lui, parce qu'il avait survécu, et que s'il avait survécu c'était forcément pour une bonne raison, et de bonne raison il n'en voyait pas d'autre à part celle de tuer ceux qui avaient détruit sa vie. Il avait échoué, mais cela c'était fini, terminé, et il allait continuer, maintenant...jusqu'à la toute fin.

Ce serait lui ou les résistants. Tuer ou être tué. Mais ça n'était pas neuf. Ca avait toujours été comme ça. Il écouta attentivement les ordres de Brom, approuva : moins il parlait, plus cela voulait dire que Mike approuvait. S'il le faisait, c'était qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas où un ordre important à donner. L'expérience de la guerre, il l'avait, et il y allait de manière rationnelle, tranquille. Les plans s'envolaient dans les combats, mais avant le combat il fallait dessiner celui ci. Et ça il savait le faire. Brom était plus en amont : Mike lui faisait confiance, Dublin avait largement prouver les capacités du Magistère, si certains en doutaient encore. Lui l'avait vu à l'oeuvre et le jugeait meilleur que tous, ce qui en toute objectivité était vrai.

« Bien. Vous commencez par m'abattre les tireurs sur les toits, je ne veux pas qu'on puisse suivre nos mouvements. Nous les prendrons de front ensuite, je veux qu'ils restent groupés et concentrés sur nous pour que Brom aie l'effet de surprise. Allez. »

Et les hostilités commencèrent. En peu de temps, il ne resta plus personne sur les toits. Mike lui même se battait, les sorts fusaient et les balles tiraient, mais les dégâts chez les bourbistes furent rapidement importants.

Spoiler:

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C'était la guerre, et la guerre était moche. Mike Witcher était habitué à roder dans cette laideur, et il n'y faisait plus attention. Il faisait partie de ce monde et si on y regardait bien lui non plus n'était pas très beau à regarder. Quelqu'un d'extérieur, purement objectif, sur sa vie, quelqu'un de normal et de sain, contrairement à presque tous les gens qu'il fréquentait, l'aurait trouvé totalement dégénéré, cruel et fou. Pas lui, mais cela faisait longtemps que Michael Witcher ne réfléchissait plus sur lui même. Sans aucun doute parce que la folie ne l'avait jamais trahi et qu'il pouvait toujours compter sur elle. Sans doute aussi parce qu'il ne réfléchissait à rien de cela : il agissait parce qu'il jugeait que ce qu'il faisait était juste, voilà tout. Bien sur, il savait, au fond de lui même, qu'il avait échoué, et que c'était cet échec qui dictait sa vie, mais il continuait. Echouer. Recommencer. Echouer encore. Mais échouer mieux. Voilà tout le principe qui rythmait la vie de Mike Witcher. Ce n'était pas glorieux, mais qu'est-ce qui l'était dans ce monde ?

La résistance ? Connerie, elle commençait déjà à se faire balayer. Il y avait sans doute eu un peu de panache dans la prise de Glasgow, mais guère plus. Oui, Ben était un amuseur, il était amusant, on rigolait bien. Mais là on ne riait plus et on ne s'amusait plus, c'était la fin du jeu et Mike ne comptait pas laisser Limonkov continuer. La haine qu'il lui vouait était viscérale, ce n'était même plus une question de camp, en réalité. C'était juste comme ça. Parce que Benjamin avait trahi. Parce qu'il l'avait trahi, lui. Et Mike continuait, silencieusement, évoluant dans Glasgow avec économie et précision, détruisant facilement une avant-garde résistante qui ne supporta pas bien longtemps ses assauts et ceux de Brom : quant à Lincoln et James, ils n'avaient pas subis de dommages majeurs.

La partie allait se corser maintenant, puisqu'ils virent apparaître un nombre plus important de soldats, accompagnés de machines de guerre. Les ordres furent donnés. Les surprendre. Mike, qui connaissait un peu les techniques de guerre moldues, pas bien, mais il avait déjà vu des chars. Une explosion de front, en arrêterait un : il ordonna à ses hommes d'attaquer de front. Si lui échoua personnellement, l'explosion eut bien lieu. L'ordre suivit d'attaquer le char immobilisé, mais cela fonctionna moyennement. Au moins ne risquait-il plus de bouger, après une deuxième explosion qui créa un début d'incendie à l'intérieur de l'habitacle.

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