Nouvelle intendance, nouveau poste. John Mulciber ne savait pas qui avait fait ce choix, sans doute le Lord lui même. Il ne souhaitait pas spécialement le critiquer. Ni même penser quoi que ce soit à propos de quiconque. Il attendait de voir. Ce qu'il avait fait lorsque Valverde était inquisiteur. Ce qu'il avait fait lorsque Valverde était intendant. Ce qu'il ferait maintenant que Crow était intendant. Ni plus ni moins. Beaucoup de gens voyaient Mulciber comme un homme d'action. C'est vrai. Celui qui reste immobile tombe et échoue. Celui qui agit tombe aussi, la chute est parfois même plus dure : mais au moins il sait pourquoi il est tombé. Mais il savait aussi observer, impassible, voir les résultats des autres. Avait-il voulu faire tomber Eris Valverde ? Non, certainement pas, et la preuve en était qu'Eris Valverde n'était pas tombé. L'idée n'était même pas de tester son autorité. Juste de rappeler d'où venait le purisme, et ce qu'on pouvait, ou ne pouvait pas faire ou non. John Mulciber se disait, et croyait sincèrement, en fin de carrière. Il pensait devoir présenter sa propre démission. Valverde avait choisi une autre solution, aussi extrême. Lui ne comprenait pas pourquoi. Il ne pensait pas commettre un crime mais savait parfaitement que le manque d'obéissance ne serait pas toléré. Puni ? Non. Il ne pensait pas que le Lord le punirait. Il ne contestait pas l'autorité de Voldemort. Je ne remets même pas en cause la hiérarchie. Dans l'ensemble, ce qu'il avait voulu faire consistait uniquement à un avertissement. Ne faites pas n'importe quoi avec n'importe qui, ne cognez pas sur vos alliés alors même que vous avez autant d'ennemis à anéantir. Fronde ? Oui, j'ai fait partie d'une fronde, si vous voulez. Il pouvait me virer. Le nouvel Intendant, il l'espérait, saurait tenir ses troupes. Au moins, cela évitera que l'opinion de l'un détruise le gouvernement de tous.

Beaucoup de choses s'étaient précipitées d'un coup. La capture et la mort de Jugson dans l'intervalle de temps qui avait suivi le procès avait interpellé beaucoup de monde. Fin de partie pour la résistance ? John aurait voulu y croire. Le problème, c'est qu'il y avait Benjamin derrière. Les types comme lui ne se rendent pas. Il connaissait trop bien Limonkov pour admettre que la mort de Jugson pouvait l'avoir terrasser. Les autres oui, l'entièreté de la résistance, oui, sans doute. En cela, c'était une grande victoire. Mais voilà, le souci, c'était qu'il restait tout de même Benjamin W.E. Mulciber. Et  que lui ne se rendrait pas. Impossible à envisager. C'était comme demander à John lui même de se rendre, ou bien à n'importe quel Mulciber digne de ce nom. Plutôt crever. D'un autre coté, la mort de Jugson ne pouvait que lui convenir, car elle vengeait tous les affronts qu'il avait subir à la famille Mulciber. Il l'aurait volontiers retrouver lui même, mais il ne s'en savait plus capable. Trop vieux, maintenant...Ou alors il avait passé trop de temps chez lui ou au ministère, que ce soit pour diriger réellement ou pour régler les affaires courantes en attendant de savoir s'il allait valser ou non du gouvernement.

Eh bien finalement, il ne valsait pas. Il restait au gouvernement. Et il changeait de poste. La sécurité intérieure, tiens. Cela dit, la nouvelle intendance était logique, à ce qu'il lui semblait. Lincoln Crow Intendant ne pouvait que signifier quelque chose de militaire. Une méthode que John Mulciber comprenait enfin même s'il savait qu'il aurait une liberté de mouvement restreinte. Il gagna ses nouvelles fonctions dès qu'il fut nommé, en uniforme. Militaire on voulait qu'il soit, il serait militaire.

Il trouva un département tenu correctement, qui tournait bien. Mais l'organisation semblait archaïque, venue tout droit du ministère, comme si rien n'avait changé. Mulciber avait l'habitude des grades et des rangs, d'une organisation ciblée, claire et concise. Son rapide passage comme juge au magenmagot lui avait donné une connaissance du droit plus que correcte. Son premier acte fut de rédiger une constitution claire et précise du département, détaillant point par point les pouvoirs de chacun. Le deuxième fut de convoqué les nouveaux commandants de sections : même s'il n'avait pas changé ceux qu'avait nommé Lincoln Crow, le titre, la dénomination, était là, et elle était faite pour trancher. Il commença son exposé en des termes précis et tranquilles :

« Bien, messieurs, nous nous connaissons déjà plus ou moins tous, nous avons tous travaillé au Ministère ensemble. Alors je ne vais pas y aller par quatre chemins. Porton, la mort de Jugson, ce n'est pas encore la mort de la résistance. Je veux l'emplacement du QG de la Vague, priorité numéro 1. Priorité numéro 2, je veux savoir qui remplace Jugson. Priorité numéro 3, je veux savoir s'ils envisagent une riposte. Priorité 4, trouvez moi ce que fais l'ordre du Phénix.
-Bien monsieur.
-Vous direz mon général la prochaine fois. Disposez. Manston.
-Oui mon général.
-La priorité numéro 1 de la section d'intervention extérieure reste de défendre nos citoyens et nos intérêts hors du pays. La numéro 2 est d'affaiblir le plus possibles les pays bourbistes. Collaboration avec les renseignements secrets pour ça. Disposez. Spitallfield, je n'ai pas grand chose à vous dire, sinon de poursuivre votre collaboration avec les Affaires Moldues. Disposez. »


La dernière personne partie, il se replongea dans le travail et termina de noter les instructions pour l'investiture de l'Intendant.

Une journée plus tard il était là où il devait être pour assister à un grand spectacle militaire. Révolution ? Non, apprenez à marcher droit, tel était le message. Saluez comme tout le monde, fermez là. John ne souriait pas. Cette intendance militaire, militarisé, commençait par une victoire sur la Vague. Crow avait vaincu Jugson. Oui. Mais ce n'était plus ça la vraie question. Il connaissait bien le camp d'en face. La bonne question était ailleurs, et il se la posait alors qu'il saluait. C'était une impression suggestive - rien ne disait que Ben allait prendre la tête de la Vague, ou même que celle ci allait réplique, mais elle lui venait à l'idée tout de même.

Combien de longueurs d'avance avaient-ils sur Limonkov ?

Spoiler:

« Hmmm, il faudra quelque chose de sobre. Rien de tape à l’œil, du noir. Celle-ci ferra l’affaire. Veillez à ce qu’elle soit prête pour demain. Nettoyer ces boucles d’oreilles-ci. Pas besoin d’autre chose. »

Nouvelle Intendance, nouvelles règles, nouvelle façon de faire de la politique. L’Intendance de Lincoln Crow ne ressemblerait pas à celle d’Eris Valverde, tout comme celle du mangemort politicien n’avait pas eu grand-chose en commun avec celle de son prédécesseur. Pour sa part, elle connaissait mal Crow. Ils s’étaient déjà parlé bien entendu mais uniquement dans le cadre du travail ou d’une réunion à Urquhart. Si l’on exceptait ça, on ne pouvait pas les considérer comme proche même en temps que collègue. Quand bien même il était le beau-fils de Mike et marié à sa cousine, elle ne l’avait que rarement vu. La famille, pour Crow, ne semblait pas avoir la même signification que pour les sangs-pur comme eux. Etant plus proche de Mike que de sa fille, il était logique qu’elle ne l’ait pas beaucoup côtoyé. Du reste, elle avait écouté NOW comme tout le monde, et elle se demandait dans quelle mesure les allégations de Benjamin et feu Tom étaient vraies à propos de Crow. Était-il réellement un sang-mêlé qui se faisait passer pour un sang-pur ?

Ca n’aurait pas changé grand-chose à la valeur de l’homme. Ca restait un très bon militaire, mangemort et il avait fait ses preuves au sein du Ministère comme de l’Intendance. Par contre, d’un point de vue familial, c’était une tâche dans l’arbre généalogique. S’il s’avérait être sang-mêlé, les enfants de Karen Witcher le seraient également. Est-ce qu’elle croyait seulement aux allégations de la Vague à ce propos ? Elle hésitait à leur donner du crédit. C’était la Vague après tout mais elle connaissait Ben. Mentir, c’était bon pour elle. Il était plus franc, parfois trop et c’était ce qui l’incitait à penser qu’il y avait un fond de vérité dans l’accusation qu’il avait lancé contre leur nouvel Intendant. Ce n’était pas à elle de poser ce genre de question. C’était à Mike de s’inquiéter. Il avait marié Karen à lui de voir à qui il l’avait fais.

Pour le reste, elle était impatiente de savoir ce que leur réserverait l’Intendance de Crow. Ca serrait sa première sortie officielle depuis deux semaines. L’attaque de Jugson l’avait profondément irritée. Elle s’était sentie furieuse de savoir qu’il avait failli blesser sa fille mais une fois rassurée à ce sujet, elle avait vite su retourner sa veste. Attaqué un membre du gouvernement était honteux et inquiétant mais ça ne touchait pas tout le monde. Qu’un terroriste notoire s’en prenne à une enfant par contre, voilà ce qui était nettement plus intéressant en terme de propagande. Les enfants étaient un sujet universel, il pouvait toucher bien plus de monde et attendrir les gens qui ne s’intéressaient pas à la politique.

Est-ce que ça faisait d’elle une mauvaise mère d’exploiter la situation ? Elle ne le pensait pas. Tom avait fais une erreur, si elle en avait fais autant il aurait été le premier à faire de même. Quoiqu’il dise, il utilisait les mêmes armes qu’elle. Elle l’utilisait au passé parce que pour lui, la partie était finie. Crow l’avait capturé et il était mort. Pour l’instant, elle ne ressentait aucune tristesse. Simplement de la satisfaction à l’idée que son humiliation avait été vengée. Plus tard, peut-être qu’elle éprouverait de la tristesse. Elle pourrait se rappeler qu’un jour, avant qu’ils ne soient des camps différents, ils avaient été amis. Quand un homme mort, peu importe son camps, ses idéaux, il retourne à la poussière. De Tom, il resterait son héritage à la Vague mais également celui qu’il avait été. Peut-être qu’un jour, elle pourrait se souvenir de ça sans éprouver trop de rancœur à son égard.

En attendant, elle se préparait pour participer à sa seconde cérémonie d’investiture depuis qu’elle était entrée au gouvernement. Elle restait étonnée d’avoir garder son poste comme Directrice du département des affaires moldues. Le procès d’Ariana volontairement ou non, avait fini par faire tomber des têtes. Mike, Gauthier et elle, gardaient leurs postes, tandis que les autres jouaient au jeu des chaises musicales. Elle était arrivée tôt à Buckingham Palace, déjà en tenue d’apparat, une robe très simple noire pour inaugurer une Intendance qui s’annonçait déjà bien plus militarisée qu’avant. Elle fit un crochet par son bureau pour saluer ses subordonnés et mettre en ordre quelques dossiers. Ensuite elle se dirigea en direction du balcon où les membres du gouvernement prendraient place lors de la cérémonie. La plupart d’entre eux étaient déjà arrivé et attendait à l’intérieur que la cérémonie commence.

Elle salua ses collègues et se dirigea vers Mike qui se tenait non loin d’une table où se trouvait quelques rafraichissements. Ils ne s’étaient plus parlé depuis qu’il était venu lui rendre visite à Caernarfon. Elle se servit un verre d’eau et de la main droite le porta à ses lèvres mettant en évidence la bague de fiancaille qui ornait désormais sa main. Il avait sa réponse et avec un sourire, elle se contenta de dire :

« On en discutera plus tard. »

Ce n’était ni le lieu, ni le moment de parler de tout ce que ça entrainerait et des conditions qu’elle allait poser.

Aujourd’hui, c’était un nouveau triomphe pour la sorcellerie et pour le purisme. La cérémonie allait commencer et comme les autres, elle se rendit sur le balcon pour regarder l’investiture du nouvel Intendant. Tout était réglé comme du papier à musique, démonstration efficace de la puissance de l’Intendance. Puis vint le salut, que tous firent sans hésiter. Pas besoin de discours, le signe était clair. Peut-être pas pour tout les sorciers présents dans l’assemblée mais pour elle bien. Pour pouvoir faire son travail efficacement, il avait fallu qu’elle étudie l’histoire moldue aussi comprenait-elle ou Crow voulait en venir mais c’était un coup de soufflet dans la figure. Une surprise dont elle se serrait amplement passée. Dés que la cérémonie, qui avait été retransmise à la télévision pour les moldus, serait terminée, elle allait être assaillie de question. Ce signe, il faudrait le justifier, trouver une parade, lui donner une signification que les moldus puissent accepter. Elle avait peu de temps pour le faire, autant dire que la nouvelle Intendance commençait sur les chapeaux de roue.

Le département de l'Ordre Nouveau semblait tout de même continuer à tourner. Mike avait décidé de le gérer depuis chez lui le temps qu'on le vire ou qu'on le nomme à nouveau à ce département – ou ailleurs, cela allait de soit. Cela lui permettait de prendre des vacances, en quelque sorte, en se contentant d'expédier des affaires courantes. Il consacrait la matinée à cela et l'après-midi, il faisait généralement autre chose. Il avait ainsi pu en profiter pour faire un bilan général de la santé des entreprises et domaines Witcher, et conclure qu'il y avait peu de choses à restaurer. Il avait fait de la rénovation à la mort de son père, beaucoup. Il détestait ce grand manoir sans personnalité, sinon celle des propriétaires terriens qu'ils avaient été et qu'ils étaient toujours. Mais ce n'était pas que le manoir de la famille Witcher, c'était le sien. Repris et entièrement réorganisé, il était lumineux et à taille humaine, plein de ses souvenirs de voyage. Dans un des greniers, Mike avait redécouvert le vieux piano qu'il avait à Cape Town. Il avait su en jouer correctement, mais il lui semblait que c'était il y a une éternité. Lorsqu'il n'était pas en train de se promener ou de gérer les affaires un peu trop délaissées par endroit de sa famille – heureusement, il veillait à y remettre de l'ordre – on le trouvait invariablement dans le salon en train de jouer. Ou d'essayer de jouer, plutôt. Karen, qui était passée quelques jours plus tot,  avait déclaré ça purement inaudible et juré de ne plus jamais remettre les pieds chez son père tant qu'il n'arriverait pas à produire autre chose que des notes disonnantes. Mais Mike était un acharné de première. Ne pas essayer, ne pas réussir, c'était pour lui impossible. Donc il continuait. Un verre de whisky posé sur le piano, une cigarette aux lèvres, habillé bien plus formellement qu'à son habitude, il s'adonnait à cette activité lorsque le coursier apporta l'annonce de la composition du nouveau gouvernement.

Même poste. La bonne nouvelle, c'est qu'il avait eu raison de ne pas ranger son uniforme. Non seulement parce qu'il retournait en Irlande – ce qui ne le faisait pas sauter de joie au plafond, mais on ne pouvait pas enlever au gouvernement le mérite de l'instabilité. Pas trop. Un gouvernement militaire, soit. Avec Crow à sa tête, il ne pouvait qu'en aller ainsi. Moins de marge de manœuvre ? Moins de liberté ? Mike aurait haussé les épaules si on lui avait dit ça. Non, cela voulait dire simplement dire une réaction rationnelle et une manière de tenir ses hommes logique. Quelque chose que John et lui pouvaient comprendre, car à ce jour personne n'avait compris la réaction de Valverde. Pas eux, en tout cas, pour en avoir parler. On aurait pu dire aussi que Mike aurait une certaine liberté vu qu'il était le beau-père de l'Intendant, mais il ne croyait pas réellement en cela, connaissant suffisamment bien son cousin pour savoir que la famille comptait peu pour lui. Cela lui posait-il problème ? Non. Et ça ne posait pas plus problème à Witcher que Valverde n'aie pas défendu la même vision que lui. Personne n'avait voulu contraindre l'ancien intendant à démissionner, le contredire, le déstabiliser. Juste lui rappeler de faire preuve de souplesse...Malheureusement, ni lui ni Crow ne savait faire ce genre de chose. Mike aurait du le savoir, enfin qu'importait. C'était passé, c'était fini, et il espérait bien que les gamins auraient la bonne idée de ne pas suivre l'exemple d'Ariana Bedan, histoire d'éviter d'en faire à nouveau tout un foin.

Lorsqu'il arriva à l'Intendance pour reprendre ses fonctions, toujours en uniforme, il fit mettre le piano dans son bureau. A Buckingham Palace, il différait sensiblement de celui du ministère. Deux immenses baies vitrées faisaient rentrer la lumière sur le coté. Une mezzanine était consacré à son espace de travail, et les murs comprenaient des bibliothèques remplies. En bas se trouvait une table, d'autres bibliothèques et bien sur donc le piano. Mike finit de superviser l'installation et s'apprêta à partir lorsque son secrétaire entra :

« Oh, monsieur le directeur, bonjour. Content de vous revoir.
-Moi aussi, Douglas, moi aussi. Bon puisque vous n'êtes pas arrivé à vous débarasser de moi, voyons les dossiers. Ca, c'est pour l'Irlande. Ca, vous le programmez pour demain. Autre chose ?
-Non monsieur. Par contre ça va commencer, monsieur.
-Parfait. »

Il rejoignit lui aussi le hall de l'Intendance. Contrairement à ce qu'aurait bien aimé croire Valverde, un désaveu des familles puristes, il fallait bien reconnaître que ce n'était pas le cas : tous étaient là. Pas un ne manquait. Mêmes têtes, nouveau gouvernement. Un gouvernement, qui sans même être proclamé avait sa première victoire avec la mort de Jugson. Un gouvernement dont il faisait partie. Le sourire de Witcher se fit mauvais. Il était du coté des vainqueurs : quelque part il avait gagné sur Thomas même s'il n'était absolument pas impliqué dans sa mort.

Il fallait attendre un peu. Il aperçut Ruth, cependant : ils n'avaient pas eu l'occasion de se parler depuis la dernière fois, et c'était toujours un peu l'incertitude qui régnait entre eux. Il sourit cependant, face au coté positif de la réponse. Maintenant il avait ce qu'il voulait. Cela l'intéressait presque plus, pour une fois, que la consécration et le salut d'une nouvelle intendance qui serait de toute façon plus militaire, il le savait. La vie politique pouvait s'arrêter, la vie personnelle jamais. Et Mike Witcher comptait bien continuer dans ce terrain là.