Pour une fille ayant toujours eu l’habitude de vivre au grand air, de sortir, bouger, ne pas rester en place, il était difficile pour moi de ne pas faire les cent pas dans une si petite cellule. Les mains dans le dos, je tournais en rond, faisait des allée retour entre la porte et la fenêtre, prenait une pause sur la couchette avant de recommencer une nouvelle fois. Pour un peu, je me serais comparée aux poissons rouges que Fredrick avait rapportés un jour à la maison …

Un détraqueur s’arrêta devant ma cellule, me faisant stopper net. C’était fou ce sentiment de malheur qui planait au dessus de ces lieux. Je l’avais senti dès qu’on avait mis les pieds à Azkaban. Ici c’était le domaine aux détraqueurs, à ces choses sans forme précise dont j’avais toujours eu la hantise étant enfant.

Mon père avait de nombreuses fois profité de ma peur pour me bousculer et m’obliger à me surpasser et bien qu’à l’époque je le détestais littéralement, je ne pouvais qu’apprécier maintenant cet effort puisqu’à part le sentiment habituel de malheur, je n’avais plus cette grande phobie.

Immobile en face de la porte, je fixais la créature, attendant le moment où elle choisirait de foncer sur moi pour s’occuper de mon cas où bien pour passer à une autre cellule. Le détraqueur opta pour la seconde solution, chose qui m’arrangeait plus que je ne voulais me l’avouer. Je me sentais nue sans ma baguette pour me défendre, sans la possibilité d’utiliser mon patronus pour me protéger.

Reprenant mes cent pas, je laissais mes pensées s’échapper de ces lieux pour rejoindre mon domaine, le manoir Dodderidge. Connaissant Fredrick, il était déjà au courant du lieu où je me trouvais et probablement avait-il averti mon grand-père maternel. Ce dernier allait très certainement mettre au courant mon oncle Logan et à ma sortie, je serais obligée de subir un sermon d’au moins trois quart d’heure sur le fait que les Selwyn servent le seigneur depuis des années et qu’il ne faut pas remettre en questions ses choix. Mais même le seigneur peut être trompé par des personnes non ? Il a beau être très puissant, il ne peut pas être partout et tout surveillé. Oui, c’était très certainement pour ça qu’il n’avait pas remarqué que John Mulciber n’était pas plus capable qu’un botruc pour s’occuper de tout ce qu’un ministre devait faire.

Forte de cette idée, je me laissai tomber sur la couchette, croisant les bras derrière la tête, un léger sourire aux lèvres. Ce n’était pas un sourire joyeux, loin de là, c’était vraiment impossible en ces lieux, mais plutôt un sourire méprisant, un sourire sadique, l’un de ces que j’utilisais en principe contre mes adversaires, quand j’étais prête à me battre et à en découdre.

Fermant les yeux, je me posai la question s’il était possible de dormir avec un tel sentiment de peur en soit. Allais-je devoir passer une semaine sans dormir ou allais-je pouvoir en profiter pour me reposer ? La suite allait bientôt me le dire …

Ce fut un cri de terreur qui m’arracha de la somnolence dans laquelle j’avais réussi à tomber depuis quelques minutes. Me redressant d’un bond sur ma couchette, je me retrouvais debout contre le mur le plus éloigné de la porte. Etre discrète, ne pas se faire remarquer, ne pas montrer sa peur … C’était mon troisième jour ici, mon troisième jour où j’essayais de dormir en vain. Impossible était un mot très utilisé ici alors que jusqu’à présent je l’avais quasiment rayer de mon vocabulaire, voilà que je le réutilisais régulièrement.

Elle glace nos cœurs.
Paralyse nos membres de la cheville des pieds jusqu'à la tête.
Ressuscite nos pires cauchemars.
Crée la méfiance et le doute.
Se noie dans notre ventre, semblable à un petit couteau poignardant.

Jamais je n’avais autant compris le mot « peur » que depuis mon arrivée en ces lieux. Les journées comme les nuits se ressemblaient. Je ne pouvais faire la différence entre les deux que grâce à la pâle lumière qui tombait par la petite fenêtre de ma cellule.

Elle nous surprend au moment inattendu.
Chuchote des mots à nous faire craquer.
Nous montre la mort, comme des ténèbres épaisses.
Dévoile notre vraie nature face à elle.

Me laissant glisser le dos contre le mur, je me retrouvai assise sur le sol, remontant mes genoux contre ma poitrine, mes bras serrant avec force mes jambes comme pour me faire encore plus petite, comme pour disparaître dans un trou de souris.

Parfois véridique,
Elle justifie notre crainte,
Mais peut-être aussi exagérant.
Nombreux son ses atouts.
Dangereuse est-elle souvent.

Les yeux fixés sur un point complètement inexistant, un sourire passa sur mon visage avant que je me mette à rire. Ce n’était pas un rire doux, un rire harmonieux mais plutôt un rire cynique, un rire fou, celui qui venait de l’inconscient de la partie de soi qu’on ne voulait pas dévoiler en temps normal, de la partie de soi qui était plus ou moins grande selon les personnes, la partie de folie.

Un nouveau cri retentit au loin et au lieu de me faire taire, ça me fit rire d’encore plus fort. Me levant d’un bond je courus vers la porte et agrippa les barreaux pour essayer de voir d’où venait ce cri, où se trouvait le malheureux en train de subir le châtiment final, le baiser du détraqueur.

Oh oui !!! Crie plus fort !!! Je ne t’entends pas assez !

Un nouvel éclat de rire franchit mes lèvres alors que le prisonnier se taisait, surement déjà mort. J’étais limite déçue de ne pas avoir pu voir ça, la cellule était beaucoup trop loin pour que j’aperçoive quelque chose. Fronçant les sourcils, je regardai les détraqueurs qui ressortaient de la cellule trainant le corps d’un homme que je reconnaissais pour l’avoir moi-même envoyer en ces lieux quand j’étais encore une raffleuse. Ce fut en silence que je regardai le corps passait devant ma cellule. Quand il disparut au coin du couloir, trainé par les détraqueurs, je me détournai de la porte et retourna me coucher sur mon lit.

Il était un petit mangemort,
Il était un petit mangemort,
Qui n’avait ja-ja-jamais torturé,
Qui n’avait ja-ja-jamais torturé,
Ohé ohé !

Allongée sur le sol bras et jambes écartés, j’avais le regard fixé sur le plafond gris de ma cellule. Enfin fixé c’était une façon de dire parce que je n’étais pas vraiment là … Où étais-je ? Aucune idée j’étais un peu partout à la fois, ici, là-bas, en haut, en bas, j’étais tout et rien. Folle ? Oui probablement mais ce n’était pas simplement l’effet « Azkaban » qui faisait ça. J’avais toujours eu cette sensation d’être différente, d’être un peu … comme ma grand-mère paternelle, car oui elle, elle était vraiment folle. Elle voyait des choses qui n’existaient pas, parler à des gens qui étaient déjà morts et rendait importante des choses qui nous semblaient bien futiles.

Père, mon doloris était-il assez puissant ? … Maman, je peux avoir un cookie ? … Clovis ne touche pas à ça c’est dangereux !

Ado, enfant, adulte, je me mélangeais ... Mais qui est-ce que je pouvais être ? Selwyn … Emelyne Selwyn … C’était comme ça que je m’appelais ! Mais … A quoi servait un nom ? Pourquoi on appelait une chaise, « chaise » et un balai, « balai » ? Pourquoi on est une femme ou un homme ? Pourquoi pouvait-on vivre et mourir ?

Me redressant pour passer à la position assise, je me passai une main dans les cheveux pour me gratter le crâne tout en fronçant le nez. C’était fou cette multitude de questions qui pouvait traverser l’esprit humain quand il n’avait rien d’autre à faire.

Posant mon regard légèrement sans vie sur la grille qui fermait ma cellule, je remarquai à peine le détraqueur qui s’était arrêté pour, surement, m’observer. J’étais peut-être présente physiquement mais pour ce qui était de mon mental … Et bien je ne saurais pas vraiment dire où est-ce qu’il était …

Restant comme ça pendant ce qui semblait être une éternité, je finis par m’allonger à nouveau, n’ayant rien d‘autre à faire. La position de l’étoile était parfaite pour se laisser aller à des divagations plus qu’inutile et alors que je posais de nouveau mon regard sur le plafond gris et sale de la cellule, les paroles d’une comptine enfantine me revinrent en mémoire.

Il était un petit mangemort,
Il était un petit mangemort,
Qui n’avait ja-ja-jamais torturé,
Qui n’avait ja-ja-jamais torturé,
Ohé ohé !

Assise sur ma couchette, je m’amusais à compter les trous dans ma couverture. Occupation comme une autre quand on avait rien d’autre à faire. Par moment, je m’arrêtais pour lancer un regard vers l’entrée de la cellule. C’était mon septième jour ici et à moins que le ministre ait changé d’avis, je devais sortir aujourd’hui. Sortir … Parfois je me posais la question de ce que je ferais une fois de retour à la vie réelle mais je n’avais guère le moral pour aller plus loin et je retombais alors dans ma semi-folie pour n’en ressortir que plusieurs heures plus tard.

Au clair d'un lumos,
mon ami moldu
Donne-moi tes gosses,
Pour les voir pendu

Reprenant le compte de mes trous, je baissai les yeux sur la couverture, laissant ainsi mes cheveux retombaient devant mon visage. Ils étaient devenus ternes et cassant et surtout ils n’avaient pas été brossés depuis une semaine, me donnant encore plus l’allure d’une folle. Ma tenue n’était pas de reste vu que ma robe de sorcière était passée d’un noir irréprochable à un gris crasseux et en harmonie avec la couleur de ma peau.

Frères Mangemorts, frères Mangemorts
Levez vous, levez vous.
Armez vos baguettes, armez vos baguettes,
Vive le Maître, Vive le Maître ...

Des bruits de pas se firent entendre au loin. Arrêtant mon « activité », je fronçai les sourcils avant de voir deux hommes qui tournaient au coin du couloir. C’était les deux mêmes hommes qui m’avaient emmenés ici, mes deux nouveaux amis. Me levant doucement, je m’approchai en silence de la porte, m’arrêtant à quelques mètres, les bras pendant le long du corps, le regard fixé sur les détraqueurs qui se tenaient non loin. Une fois la porte déverrouillée, je m’avançai vers les hommes qui me conduisirent vers la sortie. J’étais silencieuse … J’avais énormément de choses à dire puisque je n’étais plus seule mais … parler était un risque pour que je retourne en cellule et ce n’était pas du tout dans mes envies.

Les deux hommes me conduisirent hors de l’enceinte de la prison et me redonnèrent ma baguette. Ils ajoutèrent quelques mots auxquels je répondis par un hochement de tête avant de m’éloigner à petit pas. Je devais transplaner pour rejoindre le manoir mais j’en étais tout simplement incapable. La fatigue de ces sept jours sans dormir et la tension due à la présence des détraqueurs étaient beaucoup fortes pour que j’en sois capable. Heureusement pour moi, Fredrick apparut pour venir à mon secours. Lui adressant un pâle sourire, je lui pris la main et ferma les yeux.

La suite, j’ai du mal à m’en souvenir. Je me souviens juste d’être passé par la case bain avant de finir dans mon lit et d’y dormir plusieurs jours durant. J’allais devoir penser ensuite à reprendre le boulot mais au diable Crow. De toute façon mon enfermement à Azkaban allait être source d’une bonne discussion donc je n’étais pas à quelques jours près, ni même à quelques réprimandes …

Fermant les yeux, je me laissai aller à soupirer doucement. Un bon lit douillet et ne plus avoir ce sentiment de peur à chaque instant … c’était si bon … Alors que je plongeais dans la torpeur douce du sommeil, quelques paroles résonnaient encore dans ma tête. Il était un petit mangemort, Il était un petit mangemort, Qui n’avait ja-ja-jamais torturé …