Le regard de l'homme était dur, et la femme, assise en face de lui, ne disait pas grand chose. Elle attendait la réponse à sa question. Tom Jugson, puisque c'était lui, détourna ses yeux de l'océan, qui battait les pointes déchiquetées de la cote de l'ile de Skye.

"Tu veux vraiment savoir ?"

Morgane lui jeta un regard calme :

"J'aimerai bien, oui."

Alors Tom commença à raconter :

"Je ne sais pas trop par où commencer. Je suis né en 70, dans une famille puriste. Mon père voulait faire de moi, ou de mon frère, peu lui importait, des mangemorts. Il n'avait pas réussi à l'être lui : ses fils le seraient. Il m'a transmis ses valeurs : la croyance en nous, les sorciers, et le fait que toujours, toujours, nous serions supérieurs aux moldus. Il m'a appris à me battre, et à croire en mes idéaux. Rodger... son truc, c'était le quidditch. Pas la politique. Même si à Poudlard, c'était lui le plus bagarreur, c'est moi qui croyait le plus aux idées du Maître. Moi, je me suis retrouvé gardien dans l'équipe de Serpentard, et capitaine. Je n'étais pas mauvais élève, mais je t'avoue volontiers que les cours, ça ne m’intéressait pas beaucoup. Je crois que j'étais déjà en train de me voir mangemort, même gosse.

En 1981, Potter avait soit disant tué le Seigneur des Ténèbres. Je n'y ai jamais cru. J'ai fini mes études. Et puis j'ai demandé au vieux Julius Avery de m'apprendre la magie noire. Pour devenir mangemort, si le Maitre revenait, il fallait que je fasse mes preuves : j'ai commencé à tuer. Ne me regardes pas comme ça. C'était nécessaire, tu sais. Pour éliminer les traitres, il fallait bien que quelqu'un se dévoue. Ca a été moi. Ca aurait pu être quelqu'un d'autre.

- C'est horrible...

- Ca va, Morgane. Sous le trône du roi régnant, il y a toujours du sang, des boulets et des chaines. C'était le prix à payer pour le régime. Comme aller à Azkaban était le prix à payer pour notre cause. J'ai tout perdu ce jour là, mon boulot de directeur financier chez NimbusDone, ma femme, ma vie...mais j'ai gagné, en trois ans de prison, le droit de devenir Mangemort. Et j'ai participé à tant de bataille. Dont je suis fier, pour certaines, comme celle de Poudlard, et pour d'autres, un peu moins fier...jamais on n'aurait du avoir Malefoy pour chef au département des Mystères. Enfin passons. Après je suis devenu président du Magenmagot. Une belle époque, et enfin une époque où l'on a pu se débarasser des Malefoy. Et je suis devenu Ministre. Grande époque, s'il en est. Vraiment. Et puis tout a basculé...il y avait un hors la loi, Malkavian...

- Le boucher de l'est ?

- Oui, lui. Il a..."

Tom s'arrêta. Il avait du mal à parler de ça. C'était l'aveu de son propre échec qu'il s'apprêtait à faire. Et cela, jamais il ne se le pardonnerait. Mais il continua tout de même. Le tout était de tout dire, et il manquait de mot, et il manquait d'audace...

"Il a tué ma femme. Et mon frère. Et une gamine qui n'avait rien à voir là dedans, que je n'ai pas pu sauvé. Mais je n'ai pu sauvé personne. J'ai été...sur le coup, oui, j'ai été minable. Et je le savais, c'est ça le pire. Je le savais. Et je ne pouvais pas...je pouvais pas continuer comme ça. Premièrement parce que j'étais anéanti. Deuxièmement parce que ça mettait en péril le régime. J'ai enterré ma femme. Mon frère et puis mon père, aussi. Parce qu'il n'a pas supporté la mort de Rodger.Alors je suis revenu en Sicile. Personne ne pourrait me retrouver là bas, et il y avait des mages pyromans que je pourrais interroger. Enfin, interrogé n'est pas le bon terme.

La vérité, c'est que cherchais quelqu'un sur qui me venger. La congrégation des alchimistes, comme ils s'appelaient eux même, n'était pas une bonne appelation : ils confondaient pyromancie et alchimie deux domaines très différents l'un de l'autre. De plus, ils restaient des bourbistes, malgré le fait que l'Italie soit favorable. Mais leur bibliothèque, elle, était intéressante. Il me la fallait. L'armée italienne projetait une opération militaire sur leur monastère d'Andretta. Je résolus d'y participer. Mais il me fallait pour cela avoir l'autorisation de mon ex-beau-père, Luciano Borgia, le ministre de la Magie italien. Je ne comptais pas le revoir, et lui refusait de me parler. Nous savions tous les deux ce qui s'était passé. Lui me considérait comme coupable du meurtre de sa fille, moi je savais que j'avais fait le maximum, mais je n'osais pas le revoir...au final, il a accepté de me rencontrer. Ca a dégénéré. Il a voulu me tuer...je l'ai poussé. La fenetre de son bureau était ouverte. Il est tombé. On a nommé un autre type à sa place, qui m'a laissé participer à l'opération. Je n'ai pas été inquiété. C'était de la légitime défense...le monastère des pyromans est tombé. J'ai récupéré leurs livres. Passionnants sujet d'étude...

Mais C'était dur, parce que toute l'Italie...ça me renvoyait à Rachel, toujours, et encore... Mais je t'ai rencontré toi. Toi qui croyait encore. Toi qui ne savait rien de tout ça. Et c'est à cause de toi...et puis de notre enfant, que j'ai décidé de me battre encore. De ne pas céder à la tristesse, pour que jamais ni lui ni toi ne me voyez comme un homme incapable de surmonter son ignorance de lui-même et du destin..."

Elle le regarda sans comprendre. Tom eut, pour la première fois, un sourire :

"Comprendras-tu un jour, toi, que pour ne pas dire : "Adieu Tristesse, Bonjour Tristesse, tu est inscrite dans les lignes du plafond, tu es inscrite dans les yeux que j'aime.", j'ai fait un geste incompréhensible : j'ai mis ma main sur mes yeux pour voir l'horizon ?"