Maleficus Serpens faisait les cent pas dans le grand salon de Dunrobin Castle, lisant les dernières nouvelles ainsi qu’une série de lettres volant dans les airs. Dehors, le temps était horrible. Les éléments se déchainaient, le vent criait, la mer se jetait violemment contre les côtes écossaises et le ciel n’était qu’une masse sombre menaçant chaque voyageur osant s’égarer au dehors – on voyait bien que les Détraqueurs avaient redoublé de puissance ces derniers temps. L’orage protestait, son grondement significatif atteignait même l’intérieur du Château, un éclair zébra la pièce. L’endroit était tellement grand qu’on y logeait une dizaine d’armures, des centaines de tableaux, une large mezzanine, deux énormes escaliers d’un mélange de sapin et de palissandre, trois cheminées en pierre où se consumaient des feux magiques, une gigantesque table en chêne avec des moulures dorées autour de laquelle s’assemblaient plusieurs vingtaines de chaises pourvues de soie ainsi que d’autres décorations et objets de Magie Noire. Cette pièce servait de Salle de Bal lors des grandes occasions – bien que les Serpens ne furent jamais trop receveurs et encore moins chaleureux, considérant avec raison que leur propriété ne devait profiter qu’à eux seuls. L’ensemble paraissait bien sombre, tout n’était que noir et luxure.
En cet endroit, le jeune élève de la Maison Serdaigle pouvait sembler minuscule, comme une fourmi au milieu d’un champ, alors que c’était tout justement le contraire ! Son physique, sa force, son mouvement et sa personnalité empreignaient les lieux d’une aura de puissance et d’élévation. Il jeta la Gazette du Sorcier dans un des feux, attaquant les lettres de sa famille.
Depuis son retour d’Irlande, Maleficus avait fait beaucoup de choses. Déjà, il était rentré à Dunrobin afin de s’assurer du bon fonctionnement du Château en son absence. Ensuite, il dut s’occuper de sa famille résidant en Irlande, puisque désormais ce n’était plus un secret : la Grande-Bretagne était coupée en deux, la guerre contre l’Eire avait été déclarée. D’un côté les Puristes, de l’autre les Bourbistes. Il ne fut d’ailleurs pas difficile de deviner dans quel camp se trouvait le Serdaigle : la Magie était une chose primordiale pour lui, tout comme le Sang. Il avait du regrouper les têtes pensantes de la dynastie Serpens autour d’une table pour décider des orientations de la famille quant à cette nouvelle guerre. A cette réunion furent conviés un grand nombre de membres comme Jeremias et Alexander Serpens – les deux frères du Sang Pur – ou encore les plus âgés. En tout ils avaient été une trentaine.
Il y eut débat – bien que Maleficus, en tant que Chef de Clan, eut le dernier mot – et il fut décidé que les Serpens resteraient aux côtés du Seigneur des Ténèbres pour combattre en Irlande. Peu de sorciers s’y étaient opposés mais il était toujours important de clarifier les choses. La famille était unie. Les modalités et le rôle de chacun furent déterminés : Alexander devait s’occuper d’informer les sbires ou les cousins, tantes et oncles envoyés à l’étranger pour des missions et éventuellement en rapatrier certains pour aider dans la bataille ; les Grands-Parents devaient faire jouer leurs relations un peu partout pour s’assurer d’avoir de nouveaux ralliement à leur cause ; l’oncle Bryan s’assurait des rondes en Ecosse – particulièrement dans l’Ouest, près du pays ennemi – pour éviter tout ralliement ou mouvement révolutionnaire dans les populations dominées, il contribuerait aussi à fermer les frontières ; Jeremias devait quant à lui diriger une mini-délégation pour aider les résidents de Slane Castle, importante possession Serpens en Irlande du Nord. Maleficus superviserait tout cela.
Mais ce soir-là, il fut contacté pour la première fois depuis leur rencontre par Eris Valverde au-travers d’une lettre qui l’informait d’une mission en Irlande devant se dérouler prochainement. Il ne lui en dit pas plus. Le Sang Pur n’attendit pas longtemps, après avoir écrit un hibou rapide à Jeremias lui expliquant la situation il parcourut rapidement les couloirs sombres de Dunrobin afin de se préparer. Il enfourcha sa tenue de combat, prit son matériel habituel, se saisit de tout ce dont il avait besoin et sauta dans la cheminée la plus proche pour se diriger vers le Ministère de la Magie. Les flammes le léchèrent pendant quelques minutes et il arriva dans l’Atrium, presque vide à cette heure tardive. Maleficus marcha à grands pas vers les ascenseurs puis atterrit au niveau de l’Ordre Nouveau. Tout fut très rapide, Eris Valverde lui présenta la situation, le prit à parti pendant une trentaine de minutes afin de discuter de leurs projets et de ce qu’ils allaient faire en Irlande. C’est à ce moment précis que le Serdaigle apprit qu’ils seraient accompagnés par un certain Leonardo Sanchez. Il fut difficile pour lui de contenir sa colère, même s’il y parvint.
*Encore lui ?! ... Ce traître à son Sang, ce stupide latino incapable de garder un pays ! … Pourquoi faut-il qu’il soit partout ? … Je lui en parle ? … Oui ? … Non ? … Non. Ne nous divisons pas pour l’instant, on verra après.*
Tout les trois se regroupèrent, Maleficus ne daigna pas plonger ses beaux yeux bleus dans ceux tachés de bourbisme du Chilien. Une façon de lui montrer qu’il ne le considérait pas plus qu’une bouse de dragon.
…
L’Irlande… Quel magnifique pays !
La délégation britannique composée d’un Mangemort haut-placé, d’un élève de Serdaigle au Sang Pur et à l’allure noble, ainsi que d’un Latino incompétent, marchait fièrement dans un couloir du QG du Parti Puriste Irlandais. Il faisait sombre, froid et bien qu’il se trouvait près de la côte, l’endroit était sec. Magie ? Sans aucun doute. Maleficus avançait derrière son mentor, l’air hautain et un petit sourire cynique en coin. A quoi pensait-il ? Seul lui pouvait le savoir.
Derrière la porte en bois du fond de ce corridor il y avait une simple pièce de taille normale et peu décorée. Janotus O’Neil était une sorte de lèche-botte qui apparemment respectait encore plus Eris Valverde qu’on ne le pouvait déjà. Ce fut donc avec élégance que le Mangemort balaya d’un revers de la main ses belles paroles.
« Le sortilège de l'Imperium est le meilleur ami du politicien, Maleficus. » dit alors Eris en se penchant sur son disciple avec discrétion.
Le sourire en coin du Sang Pur, gardant toujours son air sérieux, se transforma pour quelques secondes en un véritable rire insonore et diabolique.
Ils pénétrèrent alors une salle immense, une sorte d’Atrium resplendissant de grandeur. Des gradins avaient été placés pour accueillir le plus de monde possible, devant une estrade où s’installèrent côte à côte – avec un semblant de coopération – Maleficus et Sanchez. Eris Valverde s’approcha du pupitre pour commencer son discours.
Il y parla de la Sorcellerie, de la puissance de l’Irlande et de l’ennemi commun : les Sang-de-Bourbe et les Moldus. Au terme de son sermon, le Serdaigle applaudit fort.
« Permettez-moi de vous présenter Monsieur Maleficus Serpens, digne représentant d'une nouvelle génération que ensemble nous allons bâtir. »
Le Sang Pur ne fut nullement intimidé, bien que les spectateurs étaient venus en grand nombre beaucoup d’entre eux faisaient partie de la famille. Le vieil homme se tourna vers le jeune Serdaigle et lui tendit une main ridée. Ce dernier se leva et vint se placer devant le pupitre. Eris se tenait derrière, pas trop près, pas trop loin. Maleficus, en grand orateur, prit un ton sérieux, son regard froid et inquisiteur.
« Peuple Sorcier d’Irlande ! Vous avez trop longtemps été laissé de côté par les forces pourries de bourbisme de votre Gouvernement. C’est lui qui a accueillit les Sang-de-Bourbe, les Hors-la-loi alors que la Sorcellerie souffrait de ce laxisme et c’est vous qui avez souffert de cette intrusion à l’intérieur même des plus hautes institutions de l’Irlande ! Laisserez-vous les Moldus prendre le pouvoir alors même que pendant ce temps, nous, vos voisins anglais, sommes dans une politique saine et bénéfique pour la Magie ? Laisserez-vous votre Nation s’embourber dans cette maladie moldue ? Je ne le pense franchement pas. Et je vais vous dire pourquoi je suis persuadé que vous ne tomberez pas dans ce piège. J’en suis convaincu car je sais pertinemment que l’Irlande est un pays historiquement puriste. J’en appelle à votre raison ! Dans toute l’Eire – Maleficus savait qu’en invoquant le nom gaélique de l’Irlande il aurait un bon retour des puristes – des mouvements tentent de renverser votre Ministère pour en faire une dictature bourbiste ! Réagissez ! Votre Rialtas leur a offert une place en Haut, maintenant ils veulent tout prendre ! Si nous les laissons faire, si vous les laissez faire ils envahiront vos maisons encore plus qu’ils ne le font déjà !
Alors c’est vrai, je représente cette nouvelle génération puriste que vous vous efforcez de construire le chéile. J’ai combattu les terroristes au Chili, je dirige le Clan Serpens dont certains membres se trouvent être présents parmi nous, et as seo amach c’est à vous que j’offre ma baguette ! Ne pensez pas que la jeunesse est un fardeau, c’est, je vous le dis mes amis, une force. Faites sortir vos enfants de chez eux ! Qu’ils se révoltent, que vous vous révoltez ! Armez-les et levez vous ! Pour assurer la Sorcellerie, ní neart go cur le chéile ! Bí í troid, bí í cath, bí í cogadh ! »
L’effet fut immédiat dans la salle, ce fut certes un monologue assez court mais on sentait la maturité dans les paroles de Maleficus. Il avait joué de ses longues mains blanches, de sa puissante voix et de son allure guerrière. De plus, utiliser la langue gaélique contribuait fortement à avoir un bon retour de la part des puristes irlandais. Eris Valverde avait de quoi être fier.