Un mois environ s’était coulé depuis la prise d’Urquhart. Peut-être un peu plus. En tout cas quoiqu’il arrive Franck ne l’aura pas vu passer. Il avait été extrêmement actif pour oublier sa solitude et se faire remarquer. Il avait notamment endossé son costume de détecteur de talent et avait fait une bonne pioche. Un duel avec Jim Fisher qui avait été concluant. Un talent brut, une brute aussi. Mais rien autour malheureusement, il manquait de percussion, de tactique, de technique, de culture magique. Au moins il avait la puissance, l’abnégation, le bon sens ainsi que celui de la hiérarchie et surtout il avait envie d’apprendre, et Franck aimait bien donner tant qu’il recevait quelque chose en échange. Il avait bien eu quatre enfants et une femme qu’il aimait qu‘il avait mis en sécurité, il était un bon rentier capable de faire des concessions tant qu’il avait des garanties de retour, son amante d’antan était une Sang-de-Bourbe, et malgré tout ce qu’on lui avait infligé il donnait beaucoup de lui dans son rôle de Serviteur du Seigneur des Ténèbres. Urquhart en était la preuve, il avait failli mourir à cause de Sheppard qui avait manqué de le décapiter en lui envoyant une table dans la gueule. Heureusement, Jim Fisher l’avait protégé et ramené à la vie et Franck s’était rattrapé en blessant notamment Helen Icenight la Sang-de-Bourbe. Et Fisher avait eu sa récompense, la chance de pouvoir se distinguer devant Franck qui pouvait se révéler comme un piston extraordinaire, un distributeur de ticket pour le train du bonheur, l’avion du succès, le bateau de l’euphorie. Le fringuant quinquagénaire pouvait se réjouir, une fois de plus, d’avoir eu le nez creux sur ce coup. Il remerciait silencieusement Léon Brom, Mangemort et professeur de Magie Noire, d’avoir mis le jeune homme dans son escouade, et de lui avoir inconsciemment non seulement facilité la tâche, mais aussi sauvé la vie. Le hasard faisait tout de même très bien les choses. Il aurait pu être six pieds sous terre, le corps dans un cercueil en sapin. Enterré dans la terre meuble et humide de Grande-Bretagne, sous une grande pierre tombale en marbre, juste à côté du tombeau familial - il devait être associé à sa famille mais ne voulait jamais, au grand jamais, reposer avec eux. Habillé de sa plus belle robe de sorcier, rasé, apprêté, bien coiffé. Les bras en croix sur son corps puissants. Quelques marques de début de putréfaction, quelques asticots qui grouillaient sur son cadavre. Sa baguette magique, sa bague, et quelques objets précieux enterrés avec lui. Il n’aurait plus de corps dans lequel se mouvoir, se balader, vivre d’eau fraîche et d’amour charnel, de sang et de larmes, de sueur et de foutre.
Son âme ? Il aurait continué de vivre et d’exister… Il avait un tableau au Ministère, dans le hall, un autre dans le bureau des Oubliators, service qu‘il avait fréquenté plus de dix ans, le cinquième de sa vie et qu‘il avait même présidé et dirigé. Un autre dans son manoir, noblesse oblige. Encore un autre dans une maison familiale à Godric’s Hollow, la ou il serait d’ailleurs enterré. Et n’oublions pas celui dans le bureau du directeur de Poudlard, suprême privilège… Du moins il en aurait. Les emplacements étaient réservés mais étaient vide, et pour cause! Il n’y avait qu’un fond, la toile marron terne évocatrice de fèces. Il en aurait également réservé un dans l’escalier, pour parler, voir du monde, grappiller des informations. Il serait sans doute un splendide informateur, qui irait partout, parlerait à tout le monde, négocierait des informations pour des récompenses à titre posthume et des tableaux dans les plus beaux endroits - style le bureau du Ministre de la Magie, ou bien au département des Mystères, pour son bon plaisir et sa culture. Il irait baiser avec les plus belles sorcières en tableaux, les Vélanes, les Succubes, les beautés fatales, il n’aurait pas peur de la mort vu qu’il aurait déjà rejoint l’éternité. Il parlerait avec les directeurs, les Ministres, ses successeurs et ses maîtres. Peut-être qu’il aurait son tableau à Little Hangleton, suprême distinction!
Mais ce qui est fait et fait. Pour le moment, Franck est bel et bien en vie et peut-être même plus vigoureux que jamais. Et il s’amusait comme un petit fou. Outre sa distraction informative avec Jim Fisher, il avait participé de près comme de loin à plusieurs raids contre la résistance. Il avait notamment été présent lors de l’arrestation de Manrey. Il avait pu tirer quelques conclusions sur Xii Ping et Dexter Miles, deux Sangs-mêlés. La première semblait puissante mais peu réfléchie et surtout pas très intelligente, propice à se laisser emporter par sa colère. Le deuxième semblait plus aguerri, il l’avait déjà côtoyé à Urquhart! Mais bon, à 35 ans il n’était que Brigadier, ça n’était pas glorieux. A cet âge, Franck avait rejoint les rangs du Seigneur des Ténèbres et était directeur des Oubliators! Mais ce coup de filet lui offrirait sûrement une promotion, et sa rigueur ainsi que sa discipline lui permettrait d’en faire un bon capitaine plus tard, voire un dirigeant s’il se bonifiait avec l’âge. En tout cas Franck se réjouissait de la capture du résistant, même si son suicide le faisait plutôt hurler de rage. Il se soustrayait à la toute puissante justice du Seigneur des Ténèbres. C’Est-ce qu’on appelle un Blasphème!
Trève de considérations politico-religieuse, il avait aussi participé en tant que leader ou plutôt Co-leader à une répression, une fois de plus, au Chemin de Traverse. Waters, Montgomery et toute une clique de résistants que l’on croyait isolé mais qui ont bien joué leur carte du baroud d’honneur. Heureusement qu’avec Miles, Bellairs et le Mangemort Menroth cet assaut avait pu être endigué… Et les civils a peu près épargné… Hé hé…Pas comme ces espèces de jeunes quilles - ah pardon, junkie - qu’il avait démoli impitoyablement avec l’aide de Brigadières et de Lestrange. Nan pas Bella, Calypso, la suceuse - pardon sous-fifre - de Scofield. Et maintenant Urquhart était colonisé par les Ministériels qui voulaient en faire une base avancée pour observer Mlïjev, la cité des Gobelins. La situation n’était pas facile pour la Régente, Alice McAndreus, qui devait rassurer les riverains, passablement inquiets de cette incursion sorcière tout près de chez eux. Le ton montait, on murmurait qu’il y aurait bientôt une insurrection. Mais ça paraissait si lointain et si irréel que personne ne s’inquiétait vraiment, occupé à survivre ou dénoncer, bref, à se battre contre le temps pour laisser la trace d’un passage ou du moins s’en donner l’illusion.
Du coup, Franck -qui était sûr de passer à postérité dans son orgueil incommensurable- avait été chargé d’inspecter les alentours pour vérifier s’il n’y avait pas de résistant qui trainerait encore dans le coin ou bien de gobelin en train de comploter en grommelant des insanités. Il observait un peu partout et sentait comme une présence étrangère et hostile qui ne lui voulait que du mal. Et lancer un Hominum Revelio n’était pas forcément la meilleure chose à faire, le champ anti-transplanage ne portait pas jusque là et si un résistant le sentait, automatiquement il partirait. Il marchait lentement, l’air de rien. Et soudain il bondit sur un buisson et lança un Stupéfix. Rien du tout. Il avait rêvé. Il botta dedans, l’air contrarié, et articula à voix basse ces quelques injures.
- Et shit! Vélane des îles!
Ça changeait un peu des péripatéticiennes qu’on lançait à tout bout de champ et c’était également les stigmates de son enfance à la Bohème. Franck était comme ça. Aimable et plein de belles tournures en public, mais derrière, le revers de la scène ou de la médaille est bien plus qu’apeurant. Il est fondamentalement violent et vulgaire ou du moins l‘est devenu à cause de sa vie et de son éducation. Il a tout de même - surtout - un bon fond, mais à des pulsions et des rancœurs qui font un cocktails détonnant et explosifs à bien des égards, et Sarah Larose en a fait les frais pour ne citer qu‘elle. La seule chose qui ne change pas, dans ce caractère lunatique et fluctuant, c’est qu’il est calculateur. Même dans la pire des vilénies, la pire des colères, il y a toujours cette lame froide qui lui permet de prendre les bonnes décisions, qui lui dit quand les prendre, ou et surtout pourquoi, et quelles sont les facteurs qui s’en découleraient selon la réaction de l’autre et comme il prendrait la réaction de l’autre, et ainsi de suite. Toujours aux aguets, à l’affut des raffuts, c’est, de loin, ce qui faisait sa force avec sa volonté de fer. Il n’était pas spécialement, de nature et sa constitution physique ne lui était pas acquise dés la naissance. En bref, il n’avait pas toutes ses capacités innées qui font de Valentine ou de Leenoth quelqu’un a part sans qu’ils aient à interférer dans leur comportement. Franck, lui, a du travailler et se servir de sa ruse. Il a du chiner pour trouver les sorts qui lui ont permis d’acquérir cette maîtrise en duel. Il a du encourir nombreux déboires pour pouvoir porter correctement son sang-pur et être digne de son rang. Il a du se servir de la magie et de la musculation pour rattraper son faciès quelconque et son corps peu développé, pour enfin être au niveau qu’il voulait atteindre : Celui d’un homme puissant, respecté et craint. Par contre peu de gens irait jusqu’à dire qu’il était respectable. M’enfin c’est-ce genre de subtilité qui ont amené les hypocrites de naguère au pouvoir, aussi porté sur le sang que la société actuelle mais qui vivait de l’hypocrisie pour la diplomatie et les voix qu’ils s’assuraient.
Une escouade passa au loin et les membres qui la constituaient le remarquèrent et le saluèrent de la main. Il y répondit nonchalamment, levant la bras en l’air pour qu’il le remarque sans pour autant l’agiter frénétiquement comme un adolescent et son mouchoir. Rien de spécial, personne ici apparemment, mais valait mieux s’en assurer. Il continua tout droit, le regard vague, soulevant vaguement ici et là quelque buissons et herbes folles et grasse de la steppe verdoyante, mais pas du plus beau vert, le vert genre terne, espoir déchu qui se fait peu à peu oublier, symbole ésotérique d’une résistance en pleine déliquescence. Vingt minutes s’écoulèrent bien, mais ça ne semblait être que quelques secondes pour lui, il marchait et c’était bien tout. L‘ennui commençait à le gagner et la solitude du guerrier après le combat l‘accompagnait irrémédiablement, comme à chaque fois. Vie de chien
Désolé du retard ça n'arrivera plus.